David Herbert Lawrence, écrivain prolifique, témoin désenchanté d’une Angleterre et d’une Europe défigurées par l’industrialisation forcée, au nom de la soumission du monde à la règle du progrès.
L’Amant de Lady Chatterley (1928) :
Tevershall! C’était cela, Tevershall! La gaillarde Angleterre! L’Angleterre de Shakespeare! Non pas, mais l’Angleterre d’aujourd’hui, la seule que Constance avait connue depuis qu’elle y vivait. Elle était en train de produire une nouvelle humanité, polarisée par l’argent, le statut social et la politique, mais morte, morte à l’intuition et à la spontanéité. Une race de cadavres dotés d’une terrifiante lucidité. Cela donnait quelque chose de sinistre, de souterrain. C’était un univers souterrain. Et totalement mystérieux. Comment comprendre des réactions de cadavres? En voyant arriver de Sheffield pour une excursion à Matlock les grands camions bondés d’ouvriers métallurgistes, homoncules difformes et bizarres, Connie se sentait défaillir et elle se disait: « Mon Dieu, que l’homme a-t-il donc fait de l’homme ? Que les chefs ont-ils fait de leurs semblables? Ils les ont dégradé de leur humanité, et aujourd’hui nulle fraternité n’est possible. Ce n’est plus qu’un cauchemar. »
Une vague de terreur la souleva à la pensée de toute cette désespérance grise et grinçante. Avec des masses industrielles de cette espèce et les classes dirigeantes qu’elle connaissait, aucun espoir n’était plus permis.
C’est cette Europe industrieuse et désenchantée qui verra naître les grandes causes syndicales débouchant sur l’idée de révolution prolétarienne, cet autre grand monstre froid en réponse au monde déshumanisé qui l’a suscité.
voir aussi « Baudelaire prophète »
Une réflexion sur “Avec D. H. Lawrence”